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Rapport Lescure. Et si le diable était dans le détail ?

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Un aperçu des propos tenus lors de mon intervention, le 15 octobre 2013, dans le cadre de la biennale du numérique organisé par l’Enssib.

Faire le point sur les usages du numérique par une analyse du rapport Lescure. Pourquoi pas ? Ce rapport est riche, en effet, si riche que pour ne pas déborder de la demi-heure accordée, il a fallu se contenter d’attirer l’attention sur certains de ses aspects. L’accès aux livres en bibliothèque étant abordé par Denis Llavori, président du réseau Carel, je me suis concentrée sur quelques éléments portant sur les règles du droit d’auteur. Sans exhaustivité aucune, j’ai choisi de mettre l’accent sur des questions que je considère comme étant encore en suspens.

Sur le rapport lui-même

Rapport Lescure, mais aussi rapport Hadopi sur les exceptions au droit d’auteur[1] et  rapports des nombreuses missions du CSPLA, notamment l’un d’entre eux sur l’ouverture de la directive européenne sur le droit d’auteur,  etc. Ne serait- il pas opportun de dresser « une cartographie des rapports » portant sur  des questions voisines, comme le soulignait récemment Guiseppe de Martino (Dailymotion), voire d’en faire une « métanalyse » ?  Cette avalanche de rapports, tous riches en analyses et en recommandations, sera-t-elle suivie d’effets ? Le ministère de la Culture est libre d’en décider.

Quelques rappels aussi sur l’objet de la mission Lescure, à savoir des recommandations pour adapter les politiques culturelles à la donne numérique, tout en veillant à préserver la diversité culturelle, bien plus large que le remplacement de la Hadopi.  Un objectif  pour le moins stimulant. Et une interrogation : pourquoi le ministère de l’Enseignement et de la Recherche ne fait-il pas partie du comité interministériel créé à cette occasion ?

Le souci de l’équilibre dans le rapport lui-même qui donne la parole à des acteurs très variés, bien au-delà des seuls ayants droit. Mais si l’on a écouté avec attention les bibliothèques, a-t-on englobé les préoccupations des bibliothèques, centres de documentation et services d’archive du secteur privé qui jouent un rôle fondamental pour la création mais aussi pour l’innovation  d’un pays, et dont les difficultés d’accès à l’information peuvent avoir un impact non négligeable comme l’a démontré dans son intervention Jean Gasnault, président de Juriconnexion ?

Sur certaines questions liées au droit d’auteur

Dans la troisième partie du rapport portant sur l’adaptation du droit de la propriété intellectuelle, l’accent est mis sur le domaine public (à préserver), sur les licences libres (à promouvoir) et sur des exceptions au droit d’auteur (à amender ou à créer).

Préserver le domaine public

On y préconise fort justement de veiller à ce qu’il n’y ait pas de réappropriation du domaine public[2] par la numérisation, le droit des bases de données, les protections techniques ou par des accords de partenariat-privé-public. On y regrette fort justement que la durée des droits s’allonge inexorablement, au grand dam d’un domaine public, « réservoir pour la création et l’innovation », mais sans proposer de diminuer cette durée (en repassant à 50 ans après la mort de l’auteur, par exemple) et sans proposer des études d’impact d’une diminution de la durée. L’accent aurait pu être mis aussi sur l’extraordinaire difficulté à calculer la fin des droits, comme l’indique le Public domain calculator proposé sur le portail Europeana et sur la nécessité d’harmoniser le mode de calcul à l’échelle européenne.

En outre, dans Europeana, fenêtre des politiques culturelles européennes, on peine toujours à trouver des œuvres entrées pourtant dans le domaine public, les droits patrimoniaux étant (largement) échus, qui soient librement réutilisables. Un comble !

Promouvoir les licences libres

La mission Lescure souligne leur légalité, leur compatibilité même avec des modèles économiques. Qu’il faille autoriser les autoriser à mettre leurs œuvres dans le domaine public, pourquoi pas ? Cette démarche peut pourtant déjà se faire, la licence Creative Commons BY se traduisant par une gamme d’usages très vaste. Soit ! En revanche, il conviendrait de sécuriser cette démarche pour les utilisateurs des œuvres ainsi mises dans le domaine public, en veillant  à ce que l’auteur ne change pas d’avis ou, s’il en change, d’organiser un système de preuve à une date donnée.

La mission regrette les difficultés rencontrées pour les adapter aux règles édictées par les sociétés de gestion collective. Vraiment ? La Sacem n’a-t-elle pas signé un accord (récemment renouvelé) avec Creative Commons[3], accordant aux membres de la Sacem qui le souhaite de mettre certaines de leurs œuvres sous une licence CC  à des fins non commerciales ? On pourrait imaginer d’imposer aux sociétés de gestion collective d’accorder cette faculté. Attention toutefois ! La notion d’usage commerciale présente des difficultés, comme l’indiquerait le contrat CC/Sacem qui ne s’appliquerait toujours  pas (pour l’instant) aux bibliothèques. Les bibliothèques seraient-elles considérées comme des lieux commerciaux ?  La question est loin d’être anecdotique si le financement par des fonds publics imposerait de mettre un quota d’œuvres sous licences libres et si l’on décide qu’il s’agira de licences pour des usages non commerciaux.

Créer ou amender les exceptions au droit d’auteur

  • Une nouvelle exception pour les œuvres transformatives créées à des fins non commerciales par les amateurs ? Il est vrai que ni l’exception de citation ni l’exception de parodie ne s’applique à ce que l’on ne peut que considérer que comme des œuvres composites pour lesquelles l’autorisation des auteurs des œuvres premières est requise. De l’idée  de la Commission européenne de créer une exception à cet effet en 2008[4], on est passé à l’idée d’une licence par clic, comme l’indique  « Licences for Europe », une réflexion en cours. Répondront-elles aux besoins des amateurs [5]? Y a-t-il un manque à gagner par des auteurs, dans le cas d’une exception ?
  • Une exception à des fins d’enseignement et de recherche à amender pour la rendre lisible et acceptable. Si les œuvres numériques font désormais partie des accords[6], répond-on aux nouveaux usages que sont les moocs, les jeux sérieux, etc. ? On en doute. Une gestion collective obligatoire éviterait de devoir vérifier, comme c’est le cas actuellement, que l’œuvre que l’on souhaite utiliser fait partie du répertoire des sociétés de gestion collective parties des accords sectoriels signés avec  deux ministères. Pourquoi pas une gestion collective obligatoire si le calcul de la « compensation » financière porte sur les usages réels, comme le préconise la mission ?

Les enseignants seraient aussi incités à utiliser des œuvres libres et à mettre leurs propres créations sous licences libres.

  • Des aspects techniques à régler dans le cadre de l’exception au bénéfice des personnes en situation de handicap pour l’indique l’analyse réalisée par un groupe de travail de l’ABF.
Porter une attention aux métadonnées

Pour cet « ADN culturel », au carrefour de l’intérêt général et de l’intérêt particulier joue un rôle central à la fois pour identifier les œuvres et opérer des transactions, la mission Lescure préconise des registres ouverts et mutualisé par catégories d’œuvres, mettant fin aux silos, registres opportunités pour des services innovants que nous espérons accessibles et abordables Elle préconise aussi qu’en contrepartie d’aides à la numérisation, il soit obligatoire de fournir des métadonnées. Il conviendrait de veiller à leur qualité.

Les usages du numérique

On les trouve en filigrane dans le rapport Lescure qui mérite une  analyse pour les mettre tous en exergue. Sur le front du droit  d’auteur, lois, jurisprudence, codes de bonnes pratiques, ce sont trois fronts à aborder parallèlement avais-je souligné lors d’une conférence en mai 2012[7], pour imaginer un droit 2.0.

Des licences obligatoires incluant les usages légitimes tels que la copie et la réutilisation d’extraits ou de données, la remise de copie à un collègue, le prêt inter bibliothèque, le libre accès aux résultats de la recherche, la conservation et l’accès à long terme des documents objets des contrats, y compris après la résiliation d’un abonnement, etc., lors de son audition et de l’atelier qui a suivi, l’IABD avait mis l’accent sur plusieurs difficultés rencontrées dans les pratiques professionnelles d’aujourd’hui.

Ill. Ganymède sur l’Olympe, entouré de Zeus qui lui a offert un coq, une déesse le couronnant et Hébé. Face A d’une amphore attique à figures noires, v. 510 av. J.-C.  Staatliche Antikensammlungen. Wikimédia Commons.


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